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Posted by Jean Pisani-Ferry on 16/09/2012 | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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Entretien sur les limites du modèle français et ses enjeux futurs
La France serait donc moins riche, plus petite, plus vieille ainsi que vous l'avez dit au gouvernement ?
Relativement plus petite et moins riche, dans un monde encore en croissance démographique et où le sous-développement recule. Plus vieille en termes absolus, mais moins que chez nos voisins. Ce ne sont pas des surprises et surtout pas de mauvaises surpices. Cla ne sert a rien de rêver à un monde qui a disparu. Le fait que les pays pauvres se développement et que la classe moyenne des pays émergents accède à la consmmation, c'est une chance pour la France de mieux trouver sa place dans la mondialisation.
Qu'est-ce qui ne fonctionne pas dans le modèle français ?
Trois choses. D'abord, on reporte depuis des années sur nos enfants la dette financière, sociale et environnementale. Ce n'est ni soutenable ni juste. Dans leur vie privée, les Français sont prêts à des sacrifices pour leurs enfants. La solidarité à l'intérieur des familles fonctionne. Mais faute de confiance en nos institutions, notre société ne se montre pas solidaire des générations futures. Les Français sont individuellement altruiste mais collectivement égoïstes.
Et la deuxième ?
Nous avons la passion de l'égalité mais nous ne savons pas la faire vivre. 140 000 jeunes sortent du système scolaire sans formation chaque année. A cette exclusion viennent s'ajouter , pour eux, l'inégalité dans l'accès à l'emloi et au logement. Ce n'est pas acceptable, c'est coûteux et dangereux pour la société.
Et la troisième ?
Nous n'exportons plus assez. En évolution, Italie et Espagne sont devant nous. A taille égale, nos entreprises exportent autant qu'ailleurs mais nous n'avons pas assez d'entreprises moyennes. On n'est pas très bon pour les services : l'Espagne avec moins de touristes dégage plus de chiffre d'affaires; les Britanniques font de leurs universités une industrie exportatrice.
Faut-il revoir le modèle social ?
Pas ses finalités mais ses instruments. Trop souvent, nou hésitons à rélger les problèmes au fond et nous tentons de les régler à coup d'argent public. Prenons l'école. Nous consacrons davantage de moyens au collège et au lycée que la plupart des autres pays et relativement moins à l'école primaire où beaucoup se joue. La question n'est pas de dépenser plus mais de savoir sur quoi mettre l'accent. Prenons l'assurance-chômage : le système d'indemnisation des cadres offre à la fois des durées longues et des indemnités élevées. Est-ce l'esprit de notre modèle social ?
Etat, région, département, intercommunalitées, communes: le millefeuille français est coûteux mais intouchable ?
Il est surtout illisible. L'enchevêtrement des compétences n'est pas efficace et il affaiblit la démocratie. Nous avons trop de pouvoirs faibles. C'est pareil avec l'Europe. Elle est lisible sur les politique monétaire et commerciale, et quelques autres sujets, mais illisible quand elle veut intervenir là où elle est un acteur secondaire.
Vous vous inquiétez du départ de jeunes Français diplômés ?
Je ne m'inquiéterais pas si nous voyions, dans le même temps, autant de jeunes diplômés étrangers tenter leur chance en France. Aux Etats-Unis, un immigrant qualifié dépose deux fois plus de brevets qu'un natif. C'est bon pour tous les Américains. Pour attirer les meilleurs étudiants étrangers il faudrait faciliter leur accès à l'emploi. La France a regardé l'immigration comme un apport de main d'oeuvre non qualifiée puis comme un problème. Il est temps de changer de regard.
Sur les retraites dans dix ans, on aura une autre réforme ?
On arrive à la quatrième réforme en vingt ans. C'est trop parce que l'on entretient l'incertitude sur les règles du jeu et sur la viabilité du système. Je souhaiterais que dès son entrée dans la vie active tout salarié sache, dans la mesure du possible, à quel âge il pourra cesser son activité et quel revenu il percevra à la retraite. S'il n'y a pas de lisibilité, donc pas de confiance, il va épargner trop et mal.
Et pour les impôts : il faut une pause fiscale ?
Depusi trois ans le recours aux prélèvements a été l'arme pour réduire les déficits. L'action sur les dépenses publiques est maitenant plus indiquée.
Il y a le clivage Paris - Province et un autre entre territoires riches et ceux en souffrance.
Les métrolopoles sont des centres d'entraînement, de dynamisme. Plus, souvent, que les mégalopoles qui sont freinées par leurs problèmes d'engorgement. Nous avons des grandes villes qui combinent environnement et centres de recherche, de formation, entreprises spécialisées et ofres de loisirs et de transport. Elles doivenet être le vecteur d'un développement innovant et soutenable. Le défi, c'est davantage de trouver des activités à l'échelle de petites villes en souffrance car l'essaimage des usines imaginé dans les années 1960, ça ne marche pas.
Peut-on garder les exceptions françaises ?
Bien entendu. Tous les pays ont leurs préférences. Par exemple, nous acceptons moins bien les Anglo-Saxons les inégaltés de revenus alors qu'eux sont plus exigeants sur la transparence. L'important n'est pas d'être comme les autres, c'est de savoir ce qu'on veut et d'être cohérent.
(Entretien pour les journaux du groupe Ebra)
Posted by Jean Pisani-Ferry on 26/08/2013 | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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Dans un monde où les mutations et les crises s'accélèrent, faire des projections à dix ans a-t-il encore un sens ?
Il ne s'agit pas de faire des projections, mais de choisir des priorités et d'engager des chantiers de transformation. Prendre un horizon de dix ans donne la continuité au delà d'une mandature politique, il permet de constater des résultats tangibles. C'est ce qu'a fait Jean-Pierre Chevènement en fixant, en 1985, l'objectif d'amener 80% d'une classe d'âge au niveau du bac.
Avec un léger retour de la croissance, va-t-on entendre les appels à la prudence, qui sous prétexte de ne pas casser celle ci, voudront éviter les réformes jugées indispensables ?
On ne peut pas faire de réformes aujourd'hui sans se soucier de leur impact conjoncturel. L'Europe et la France, comme l'Amérique Latine des années 1980, auront bientôt perdu une décennie. Si on se remet à casser la croissance demain matin, qui investira ? Qui dans notre société soutiendra encore les réformes ? Ce n'est pas une question d'ambition, mais de séquançage. On peut faire beaucoup de réformes sans affaiblir la conjoncture: par exemple sur les retraites, la formation professionnelle, la concurrence dans les services, l'efficacité des services publics.
Jean-Claude Trichet, l'ancien président de la BCE, dit qu'il faut retrouver un consensus droite-gauche comme celui sur la désinflation compétitive à partir de 1984. Qu'en pensez-vous ?
Il faut aller au delà et chercher à ce que la société française s'approprie les orientations pour le moyen terme. D'autant plus que l'Etat central a moins de pouvoirs. Mais cela nécessite de clarifier les choix collectifs, notamment le rapport à la mondialisation, le modèle pour l'égalité et la vision du progrès.
Sur la mondialisation, l'avenir de la France passe-t-il par ses usines ?
En parties certainement. La question est de savoir si nous voulons que notre redressement vienne d'abord de l'industrie ou plutôt des nouveaux services. Nous sommes les des pays les plus désindustrialisés. Redevenir une puissance manufacturière demanderait un effort considérable. Pour restaurer la rentabilité des entreprises industriellles il faudrait, par exemple, réduire les coûts des intrants industriels, y compris ceux de l'énergie, du foncier et du logement, qui ampute le pouvoir d'achat des salariés. Faire mouvement vers une économie de services échangés serait moins lourd financièrement mais nécessiterait des mutations plus fortes. Par exemple, l'enseignement supérier est, dans le monde, en train de devenir une industrie exportatrice. Depuis dix ans, le nombre d'étudiants étrangers a doublé au Royaume-Uni ( en France il a stagné ) et ils payent cher pour leurs études. La révolution technologique arrive avec les cours en ligne. Participer à cette mutation imposerait de faire venir les meilleurs étudiants, d'augmenter les droits d'inscriptions et d'enseigner en anglais
Entre ces deux modèles, la France peut elle trouver une spécificité ?
Le choix n'est pas binaire. Après tout la part de l'industrie dans l'économie est plus forte outre-Manche qu'ici. Mais il reste que nous devons décider quelle direction prendre. La France a eu du mal à trouver sa place dans la dernière mondialisation, celle des producteurs du sud et des consommateurs du nord. La nouvelle mondialisation voit l'émergence d'une classe moyenne qui comptait 1,5 milliards de personnes il y a dix ans mais en comptera 3,5 milliards dans dix ans, dont plus de la moitié en Asie. Elle aspire à la qualité de vie. La France peut proposer un modèle, des produits et des services.
Longtemps, la gauche a dit qu'il ne fallait pas moins d'Etat mais mieux d'Etat. La France peut-elle continuer d'avoir le taux de dépenses publiques record derrière le Danemark?
Il faut certainement se fixer un objectif pour le niveau de la dépense publique, mais surtout il faut que cette dépense soit efficace. La France a, mieux que beaucoup d'autres, réussi à contenir l'augmentation des inégalités de revenu. Le problème est qu'elle a laissé se développer des inégalités d'accès au savoir, à l'emploi ou au logement. Les enquêtes de l'OCDE sont accablantes: nous sommes l'un des pays où l'origine sociale et nationale compte le plus dans la réussite à l'école. Nous laissons se perpétuer un système créateur d'inégalités qu'il faut ensuite corriger par des transfets, à u coût d'autant plus élevé que nous cumulons un système d'assurance des classes moyennes et un système de filets de sécurité pour les pauvres. Il vaudrait mieux adopter une logique d'investissement social pour prévenir ces inégalités d'accès à l'éducation et à l'emploi.
Les Français broient du noir et ne croient plus en l'avenir ...
Les Français gardent une image positive de la science mais n'ont plus confiance dans l'usage qu'en font les entreprises et les pouvoirs publics. D'où la multiplication des controverses envenimées, notamment sur les OGM ou la transition énergétique. Nous avons perdy le fil qui relie le progrès technique, progrès économique et progrès collectif. Du coup les Français, qui sont très inquiets pour l'avenir de leurs enfants, leur lèguent néanmoins des dettes financière, sociale et environnementale. Il faut reconstruire une capacité d'arbitrage entre les générations.
Après dix ans passés à Bruxelles, que vous inspire l'Europe aujourd'hui ?
L'Europe a été pendant cinquante ans un facteur de stabilité entre un monde compliqué et une France hésitante. Elle est devenue un facteur d'incertitude. Malgré les initiatives qui ont été prises, la zone euro reste fragile. On ne sait pas encore si les pays d'Europe du Sud vont parvenir à rétablir leur compétitivité tout en réduisant leur dette. On ne sait pas encore si les capitaux vont retourner vers les pays du sud et y finiancer des créations d'emplois ou si les chômeurs de ces pays vont migrer vers le nord. On ne sait pas encore si France et Allemagne peuvent s'entendre sur un nouveau modèle alliant partage de souvraineté et partage du risque. La question de l'avenir européen nous est posée, autant qu'aux Allemands. Notre responsabilité est considérable.
Posted by Jean Pisani-Ferry on 20/08/2013 | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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Indeed, the agreement reached in January between the Greek government and the “troika” (the International Monetary Fund, European Central Bank, and the European Commission) includes a 48-page list of detailed reforms. Not all countries are given such a long to-do list, but, since new EU legislation was adopted in 2010, specific recommendations are addressed to all. For example, the brief addressed to Italy includes recommendations on the efficiency of public administration, the fight against corruption, corporate governance in the banking sector, the labor market, schools, taxation, market opening in the services sector, and infrastructure.
To be sure, European countries urgently need to implement deep reforms. Poor productivity growth and stubborn unemployment are evidence that their economies require comprehensive transformation. But if this observation provides the rationale for reform, it does not provide a sound enough basis for drawing up effective economic-revival plans.
The design of a reform strategy requires solving two problems. The first is one of purpose. Successful societies are a diverse lot. Some are unequal, and others are egalitarian. Some cherish large welfare states, and others starve them. Some rely on extensive collective agreements, and others exclude them altogether. Some are based on arm’s-length transactions, and others rely on recurring relationships. Scholars refer to “varieties of capitalism” to highlight the absence of a single template of success.
But if there are different models, what should the priorities for reform be? International organizations generally point out – rightly – that in most cases a country can improve economic efficiency without changing its economic model. For example, there is often ample room for achieving the same income redistribution at lower budgetary cost, or to ensure that collective wage agreements take into account the interests of those without a job. So national models can be reformed while retaining arrangements that meet social preferences.
This answer, however, is somewhat facile. Countries are not only inefficient; often, they are also inconsistent. For example, they pretend to become global hubs but do not welcome foreigners, which is what prevented Japan’s emergence as a global financial center in the 1990’s; or they hope to develop as knowledge-based economies but dislike academic freedom; or they aim at nurturing innovation but do not want innovators to become rich.
Such inconsistency is often a major impediment to development. By contrast, the success of the United States as an innovation powerhouse relies on a high degree of consistency across fields ranging from education and immigration to taxation and the labor market.
So pro-growth reform does not only require substituting efficient arrangements for inefficient ones. It also demands confronting hard choices, which is at bottom a political endeavor. For this reason, it is not something that any international organization can even suggest in lieu of domestic citizens.
The second problem in designing structural reforms is one of strategy. As the economist Dani Rodrik has pointed out, standard analysis generally results in a laundry list of desirable reforms that does not tell governments where to begin. Apprehensive leaders start with the most politically expedient items, while bold leaders start with the most challenging prescriptions; but there is no guarantee that either of these approaches will deliver the expected result. Even a seemingly rational strategy that consists in correcting the largest inefficiencies first is not necessarily the appropriate one.
One reason is that the effectiveness of reform may depend on conditions prevailing in other sectors: good universities, for example, cannot remedy the consequences of poor secondary education. Moreover, eliminating one distortion may be ineffective or even counterproductive: in an economy plagued with rents, partial reform may simply result in shifting them across sectors and agents, rather than reducing them to the benefit of consumers.
As a result, considerable political energy may be consumed in pushing through measures that deliver very little. Instead, reform should start with the most binding constraint to performance (which one that is depends on the whole set of hindrances that confront the economy).
In addition, outcomes may depend on cyclical conditions. Advocates of structural reform generally claim that their aim is to increase output and welfare in the medium term and that the short term does not matter. But, while some reforms – for example, those improving access to credit or eliminating rents that harm consumers – can indeed help to boost growth during a demand shortfall like the one that Europe is now experiencing, others can have the opposite effect. For example, labor-market reforms that make it easier for companies to reduce staff may weaken demand further, underscoring the importance of considering reforms’ short-term effects.
What all of this suggests is that an economic-reform agenda cannot result from a mechanical exercise. At some point, hard choices about priorities and sequencing must be made. This is not to say that international organizations and the EU are of no help. On the contrary, these bodies can be very helpful in carrying out international comparisons and pointing out deficiencies. But there is a line in the sand beyond which only governments can set priorities and act. That, after all, is what voters elect them to do.
Whose Economic Reform?
By Jean Pisani-Ferry
PARIS – Together with fiscal consolidation, structural reform is the new European mantra. International organizations and European Union bodies regard such reform as a prerequisite of economic recovery, growth, and alleviation of the unemployment plague.
Indeed, the agreement reached in January between the Greek government and the “troika” (the International Monetary Fund, European Central Bank, and the European Commission) includes a 48-page list of detailed reforms. Not all countries are given such a long to-do list, but, since new EU legislation was adopted in 2010, specific recommendations are addressed to all. For example, the brief addressed to Italy includes recommendations on the efficiency of public administration, the fight against corruption, corporate governance in the banking sector, the labor market, schools, taxation, market opening in the services sector, and infrastructure.
To be sure, European countries urgently need to implement deep reforms. Poor productivity growth and stubborn unemployment are evidence that their economies require comprehensive transformation. But if this observation provides the rationale for reform, it does not provide a sound enough basis for drawing up effective economic-revival plans.
The design of a reform strategy requires solving two problems. The first is one of purpose. Successful societies are a diverse lot. Some are unequal, and others are egalitarian. Some cherish large welfare states, and others starve them. Some rely on extensive collective agreements, and others exclude them altogether. Some are based on arm’s-length transactions, and others rely on recurring relationships. Scholars refer to “varieties of capitalism” to highlight the absence of a single template of success.
But if there are different models, what should the priorities for reform be? International organizations generally point out – rightly – that in most cases a country can improve economic efficiency without changing its economic model. For example, there is often ample room for achieving the same income redistribution at lower budgetary cost, or to ensure that collective wage agreements take into account the interests of those without a job. So national models can be reformed while retaining arrangements that meet social preferences.
This answer, however, is somewhat facile. Countries are not only inefficient; often, they are also inconsistent. For example, they pretend to become global hubs but do not welcome foreigners, which is what prevented Japan’s emergence as a global financial center in the 1990’s; or they hope to develop as knowledge-based economies but dislike academic freedom; or they aim at nurturing innovation but do not want innovators to become rich.
Such inconsistency is often a major impediment to development. By contrast, the success of the United States as an innovation powerhouse relies on a high degree of consistency across fields ranging from education and immigration to taxation and the labor market.
So pro-growth reform does not only require substituting efficient arrangements for inefficient ones. It also demands confronting hard choices, which is at bottom a political endeavor. For this reason, it is not something that any international organization can even suggest in lieu of domestic citizens.
The second problem in designing structural reforms is one of strategy. As the economist Dani Rodrik has pointed out, standard analysis generally results in a laundry list of desirable reforms that does not tell governments where to begin. Apprehensive leaders start with the most politically expedient items, while bold leaders start with the most challenging prescriptions; but there is no guarantee that either of these approaches will deliver the expected result. Even a seemingly rational strategy that consists in correcting the largest inefficiencies first is not necessarily the appropriate one.
One reason is that the effectiveness of reform may depend on conditions prevailing in other sectors: good universities, for example, cannot remedy the consequences of poor secondary education. Moreover, eliminating one distortion may be ineffective or even counterproductive: in an economy plagued with rents, partial reform may simply result in shifting them across sectors and agents, rather than reducing them to the benefit of consumers.
As a result, considerable political energy may be consumed in pushing through measures that deliver very little. Instead, reform should start with the most binding constraint to performance (which one that is depends on the whole set of hindrances that confront the economy).
In addition, outcomes may depend on cyclical conditions. Advocates of structural reform generally claim that their aim is to increase output and welfare in the medium term and that the short term does not matter. But, while some reforms – for example, those improving access to credit or eliminating rents that harm consumers – can indeed help to boost growth during a demand shortfall like the one that Europe is now experiencing, others can have the opposite effect. For example, labor-market reforms that make it easier for companies to reduce staff may weaken demand further, underscoring the importance of considering reforms’ short-term effects.
What all of this suggests is that an economic-reform agenda cannot result from a mechanical exercise. At some point, hard choices about priorities and sequencing must be made. This is not to say that international organizations and the EU are of no help. On the contrary, these bodies can be very helpful in carrying out international comparisons and pointing out deficiencies. But there is a line in the sand beyond which only governments can set priorities and act. That, after all, is what voters elect them to do.
Posted by Jean Pisani-Ferry on 07/07/2013 in Column Project Syndicate | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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O. M. : Que peut-on attendre des institutions européennes pour aller dans le sens de cette ouverture politique ?
P-F. : Aujourd’hui, l’institution la plus porteuse est la Banque centrale. Elle a fait preuve de sa capacité à agir, à faire des choix, à prendre des positions audacieuses, et même à faire face à des oppositions marquées en son sein, y compris lorsque le président de la Bundesbank et le membre allemand du directoire ont démissionné pour marquer leur désaccord. Aujourd’hui même Jens Weidman, le président de la Bundesbank, est ouvertement en désaccord avec la majorité des membres du conseil de la BCE sur nombre de points. La Banque centrale a assumé qu’elle prenait des décisions qui n’étaient pas consensuelles, tandis que la Commission a régulièrement recherché le compromis et n’a pas été très audacieuse dans la gestion de la crise. Hermann Van Rompuy, le président du Conseil européen, a fait preuve d’un peu de hardiesse, par exemple en poussant l’idée d’une capacité budgétaire européenne. Le projet n’était pas bien défini, mais il s’agissait essentiellement de prendre acte de ce que l’union bancaire et les dispositifs de discipline budgétaire ne sont pas suffisants pour assurer des bases solides à l’euro et qu’il faudrait aussi créer une capacité d’action budgétaire commune à la zone euro. Mais en décembre dernier on lui a fait clairement comprendre que ce n’était pas la peine de continuer ses études – il ne s’agissait pas de prendre une décision, car les idées n’étaient pas abouties.
M-O. P. : Puisqu’il n’y a pas de dispositif propre à la gestion de la zone euro au sein du parlement, peut-on dire que l’absence d’institutions démocratiques correspondantes est une difficulté supplémentaire ?
P-F. : C’est plus grave que cela. Il est vrai que la composition du parlement, qui représente les vingt-huit, est une difficulté, mais on pourrait constituer en son sein une commission zone euro. Un problème plus sérieux est que la crise a été l’occasion d’une renationalisation des politiques en matière d’assistance mutuelle. La solution traditionnelle pour porter assistance aux pays en crise financière, celle qui a été mise en œuvre, par exemple, dans le cas de la Hongrie, consiste pour la Commission à emprunter avec la garantie du budget communautaire et à prêter aux pays en difficulté. Ce mécanisme fonctionne mais parce qu’on pensait les crises de balance des paiements impossibles au sein de la zone euro, le traité prévoyait qu’il cessait de s’appliquer à un pays dès lors que celui-ci rejoignait la monnaie commune. Une clause d’urgence a été invoquée pour l’utiliser en faveur de l’Irlande et du Portugal, après que le premier programme grec avait été financé par une série de prêts bilatéraux, mais on est revenu dessus. Le mécanisme mis en œuvre maintenant est un dispositif d’assistance mutuelle entre Etats, fondé sur des garanties individuelles données par chaque pays, pour des montants limités. Il a pris la suite des prêts superposés, c’est une sorte de coopérative de prêts qu’on appelle Mécanisme européen de stabilité (MES). Chacun apporte une partie du capital et c’est l’institution elle-même, le MES, qui accorde le prêt.
Dans ce dispositif le Parlement européen n’a aucun rôle car les ressources financières mobilisées sont sous le contrôle des parlements nationaux. On s’est donc écarté de l’embryon de modèle fédéral qui existait. Chaque parlement considère à juste titre qu’il est comptable des ressources mobilisées pour la solidarité, et donc chaque parlement veut contrôler individuellement leur emploi. Paradoxalement, cela signifie que quand on prête à un pays africain, à la Turquie ou à n’importe quel autre pays par le canal du FMI, la mutualisation et la capacité de décision commune sont plus fortes qu’elles ne le sont dans le contexte européen. Le FMI décide de ces prêts à la majorité, tandis que l’Union européenne les décide à l’unanimité ou en cas d’urgence à une super-majorité très exigeante et que les parlements nationaux se réservent le droit d’approuver ou non la procédure. Mais bien entendu, les parlements ne sont comptables que de l’intérêt national. La sous-représentation de l’intérêt collectif européen est flagrante, ce qui est plus grave à mon avis que les désajustement qu’il peut y avoir entre l’Europe à 28 et la zone euro.
Les parlements nationaux n’ont pas de lieu de socialisation ; ils organisent des réunions régulières avec le Parlement européen, mais il s’agit seulement d’un espace de dialogue. Par ailleurs, la Cour constitutionnelle allemande est très méfiante vis-à-vis du Parlement européenne, puisqu’elle considère qu’en raison de la pondération des voix entre pays, l’Union européenne n’est pas une démocratie au sens plein du terme.
M-O. P : Cela veut dire que cette crise n’a pas entrainé une plus grande fédéralisation et que, au contraire, c’est l’échelle intergouvernementale qui a pris le dessus.
P-F ; Non. Elle a permis l’affirmation d’une institution fédérale, la Banque centrale européenne, et si le projet arrive à son terme, elle aura encouragé la fédéralisation d’un domaine nouveau, celui de l’Union bancaire. Cependant, il n’en va pas de même dès qu’il s’agit des finances publiques. Il y a blocage lorsqu’on en vient à l’argent public et à son usage. Ce n’est pas neuf d’ailleurs, il faut rappeler que le Parlement européen n’a aucun pouvoir fiscal et qu’il ne décide pas du montant du budget de l’Union.
M-O. P : Cette crispation est-elle due à l’importance de la vertu budgétaire pour l’Allemagne et à son refus de toute intervention politique directe sur la monnaie ?
P-F. : Il y a certainement un rapport avec l’histoire du fédéralisme allemand, et plus précisément avec la crainte que la solidarité débouche sur des transferts à sens unique. L’appréhension des Allemands est que le comportement irresponsable d’autres pays de l’Union débouche sur de tels transferts. Je prends l’exemple de l’assurance chômage. Si nous faisons une assurance chômage européenne, déjà esquissée par Pierre Moscovici, il y aura des pays dont les marchés de travail fonctionnent bien, au taux de chômage faible, et puis d’autres qui ne feront pas d’efforts pour réformer leur marché de travail et qui souffriront d’un taux de chômage élevé. Une telle configuration impliquerait des transferts à sens unique par le canal de l’assurance chômage, et c’est ce qui suscite la méfiance de l’Allemagne. Ce syndrome n’est pas seulement la conséquence de l’histoire des rapports entre l’Allemagne de l’est et l’Allemagne de l’ouest, mais aussi des relations entre les Länder. A la différence de la France, en Allemagne un nombre de services fondamentaux sont assurés par les Länder, mais si jamais ces derniers se trouvent dans l’impossibilité de le faire, par souci d’égalité, on fait appel à la solidarité entre les territoires et qui doivent alors assumer des obligations de substitution. Plusieurs Länder, comme la Rhénanie du nord et la Sarre, ont été déjà dans l’incapacité d’assurer leurs fonctions et ont été renfloués par ce système de transferts solidaires. C’est donc la culture fédérale de l’Allemagne qui explique en partie son aversion à une solidarité à sens unique.
O. M. : Quel crédit accorder à ceux qui mettent l’accent sur les problèmes internes de solidarité, crise de l’Etat providence aidant ? Si l’on regarde la Belgique, l’Italie et l’Espagne, en particulier le cas de la Catalogne, il semblerait qu’il agit d’une tendance générale qui n’est certes pas nouvelle, mais qui s’est accentuée pendant ces quinze dernières années. Peut-on considérer d’ailleurs que cette crise de solidarité est une des raisons de la montée du populisme ? Peut-on échapper au binôme expert - populiste ?
P-F. : Si la situation actuelle persiste, on devra faire face à de forts déséquilibres migratoires dont l’ampleur est pour l’instant inconnue. Depuis la réunification des deux moitiés de l’Europe, on a toujours sous-estimé les flux migratoires. Toutes les évaluations faites au moment de l’élargissement ont sous-estimé l’émigration des Polonais. Personne n’avait pensé non plus que la Lettonie perdrait un dixième de sa population active dans la crise financière qu’elle vient de subir. Le risque actuellement est celui d’une concentration des emplois en Europe du nord en raison de l’agglomération des activités industrielles autour de quelques centres dynamiques, avec pour conséquence un brain drain significatif en direction sud - nord. Si cela devait se produire, il y aurait en conséquence une réduction de la capacité fiscale des pays du sud, qui poserait d’ailleurs des problèmes de solvabilité des Etats, et une concentration des gains d’efficacité en principalement en Europe du nord, avec pour conséquence un gain économique collectif mais aussi une question de redistribution.
On peut envisager une forme de redistribution privée qui se ferait par des flux d’épargne et, à terme, le retour des jeunes d’Europe du sud dans leur pays d’origine. Mais, si les forces d’agglomération deviennent irréversibles, il faudra pallier les inégalités par des transferts systématiques, à la manière de ce qui se passe dans chacun de nos pays où, comme l’a montré Laurent Davezies, les inégalités régionales de production par tête se sont creusées sans que cela ait entraîné des inégalités de revenu par tête. L’alternative consiste – et c’est évidemment souhaitable - à recréer de l’activité en Europe du sud, mais peut-on y parvenir en se limitant aux formes traditionnelles d’intervention publique, celles qui sont compatibles avec la législation communautaire ? Les gouvernements d’Europe du sud se concentrent sur les réformes structurelles, mais il n’est pas certain que ces réformes suffisent à stimuler les investissements et à reconstruire des secteurs exportateurs décimés par les années de bulle du crédit et de surévaluation réelle. Une course de vitesse est engagée entre les forces d’agglomération et les initiatives de relocalisation.
Il faut espérer que l’Europe n’aura pas à choisir entre accepter les forces d’agglomération et les compenser par des transferts, ou bien freiner l’agglomération en mettant des freins à la mobilité du capital au moyen de politiques industrielles bien plus fortes et une fragmentation de fait du marché intérieur. Mais ce n’est pas certain.
M-O. P. : Mais ces interventions reviennent aux Etats nationaux ou aux politiques européennes ?
P-F. : On pourrait effectivement concevoir des politiques européennes qui accompagnent l’action des Etats et qui évitent des mesures susceptibles de provoquer la fragmentation. On pourrait par exemple imaginer des politiques de réindustrialisation en Europe du sud. Nous avons en principe les instruments nécessaires, notamment la BEI, qui se vante d’être la plus grande banque de développement au monde. Mais la BEI est très soucieuse de ne pas prendre trop de risques, et l’Union aujourd’hui n’est pas encore prête à engager un plan de réindustrialisation volontariste en faveur de l’Europe du Sud. La doxa demeure que discipline macroéconomique et réformes structurelles suffiront à normaliser la situation. Ce n’est pas un scénario impossible, mais ce n’est pas le seul, et pour l’heure l’Europe n’a pas de plan B.
O. M. : En 2008, il y avait des débats autour des différents types de croissance, notamment la remise en cause du rôle de la finance. Où est-on maintenant ?
P-F. : Une vraie réflexion internationale se développe aujourd’hui sur les fondamentaux de la finance, qui est souvent mésestimée en France alors même qu’elle est souvent en avance sur nos propres débats. Les pays dont les systèmes financiers sont les plus développés et qui veulent les garder sont ceux qui s’intéressent le plus à ces questions. Leur raisonnement est le suivant : un système financier très développé produit beaucoup de rentes en temps normal, sous forme de profits et de revenus pour les salariés, mais à intervalles réguliers il produit une grande catastrophe. Comme ces pays souhaitent préserver ces systèmes, parce qu’ils sont essentiels pour leur modèle économique (c’est le cas notamment des Britanniques et des Suisses), ils se demandent comment minimiser ces risques. Ils sont donc en avance en matière de capitalisation des banques, de gestion des faillites, de séparation entre activités de marché et activités de crédit, de réflexion sur le modèle bancaire. Tout cela ne vise pas à se passer de la finance mais à la domestiquer.
Sur le plan global les citoyens ont des raisons d’être déçus par l’évolution de de la réglementa financière, car on n’a mis fin ni aux excès ni aux spéculations. La crise européenne est là pour illustrer que les marchés restent puissants. Il ne faut pas négliger, cependant, ce qui a été fait pour renforcer la stabilité financière. Le but poursuivi a été de réduire la probabilité des grandes crises, pas de mettre la finance au pas.
Propos recueillis par Olivier Mongin, Marc-Olivier Padis et Victoria Zurita.
Posted by Jean Pisani-Ferry on 03/07/2013 | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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O.M. : La question qui se pose donc en parallèle est celle de l’évolution des universités et de la recherche d’excellence par rapport à la dynamique d’innovation. Allons-nous dans des directions fécondes ou non ? Sommes-nous en train de rattraper notre retard vis-à-vis des Etats-Unis ?
P-F. : Une évolution positive est que tous les dirigeants ont compris désormais que l’université est une composante essentielle d’une politique de croissance, ce qui n’était pas le cas il y a dix ou quinze ans. La relance du programme d’investissements d’avenir vient encore de le montrer.
Faisons-nous pour autant des progrès suffisants ? Là encore, nous sommes loin du système universitaire dominant, qui a fait ses preuves aux Etats-Unis, et se caractérise par la formation de tous au sein d’un système universitaire diversifié comportant des universités de recherche, qui concentrent les talents, et des universités de second rang. Ce modèle implique une certaine inégalité au sein de l’université, entre les institutions de pointe, capables de rémunérer les talents et de leur assurer d’excellentes conditions de recherche, et celles qui ont principalement une mission d’éducation générale. En France les réticences à l’égard de ce système restent fortes, notamment parce qu’il implique une différenciation des rémunérations entre les enseignants-chercheurs les plus performants qui sont aussi, dans certaines disciplines, les plus mobiles, et leurs collègues qui demeurent sur un marché du travail national. Les débats autour de la politique de recrutement de Sciences Po, par exemple, montrent que cette différenciation ne fait pas consensus.
M-O.P : Ce qui est en jeu aussi dans la participation de l’Etat aux dynamiques d’innovation est la nature même des secteurs de la nouvelle économie. Celle-ci serait entièrement décentralisée, et donc radicalement contraire à l’idéal d’une impulsion centrale efficace. Il semblerait ainsi avoir un clash culturel entre cette image de l’innovation décentralisée et notre vision de la puissance publique.
P-F. : Cette image de l’innovation décentralisée est exacte. J’ai essayé de l’illustrer en décrivant sa dynamique comme étant celle d’un groupe d’entreprises qui naissent et se développent tandis que d’autres échouent. On a très bien repéré ce modèle dans les industries de l’information et du biotech. Des entreprises se construisent autour d’une idée ou d’une technologie, et si elles parviennent à faire prospérer cette idée elles grandissent, extrêmement rapidement dans le cas des technologies de l’information. Or pour grandir, elles ont besoin d’avoir accès à des financements considérables.
Dans le biotech, les entreprises grandissent moins, mais les entreprises de petite taille sont porteuses d’énormément d’innovations, tout en connaissant de grandes variations dans leur capacité à porter un projet. Si le projet aboutit, l’entreprise se développe. S’il n’aboutit pas, elle s’effondre. S’il requiert un temps de maturation plus long, l’entreprise arrête tous se autres projets et concentre ses efforts. Elle licencie en attendant des jours meilleurs. Et tout ce bouillonnement a lieu dans un espace géographique très limité, si bien que les salariés vont d’une entreprise à l’autre selon les fortunes des unes et des autres.
C’est un modèle que nous n’avons pas vraiment réussi à importer. Nous avons les PME mais nous avons du mal à faire grandir nos entreprises. L’inconvénient, c’est que les analyses empiriques montrent qu’il y a une forte corrélation entre l’identité des entreprises qui portent la croissance et la productivité et l’identité de celles qui se développent dans le marché international. Une entreprise qui évolue selon le modèle d’innovation décentralisée est plus productive, fait plus de recherche, accumule plus de capital humain, tout en exportant beaucoup plus. Il y a donc intérêt à les promouvoir. D’autant que les grandes entreprises françaises s’intéressent moins à l’investissement en France parce que, quoi que l’on fasse, elles doivent élargir leur portefeuille de production et produire là où se trouvent leurs clients.
M-O. P : Comment les banques françaises ont-elles traversé la crise ?
P-F. : On n’a pas eu en France de grand sinistre bancaire, comme en Belgique, en Irlande, en Espagne ou aux Pays-Bas. Mais il faut bien reconnaître que le scepticisme des marchés à l’égard des banques françaises ne s’est pas entièrement dissipé. Le problème, c’est que notre système est construit sur un modèle d’endettement avec une forte internationalisation. Sur les vingt-cinq plus grandes banques mondiales, quatre sont françaises. Les banques françaises finançaient des activités profitables, sur lesquelles elles étaient très bien positionnées, notamment en Asie, mais qui dépendaient de l’accès au financement en dollars et qui demandaient un niveau d’endettement élevé. On s’est aperçu en 2011 de ce que le financement en dollars n’était pas garanti et le désendettement impliqué par les nouvelles normes de sécurité des banques réduit mécaniquement leur profitabilité. Il ne s’agit donc pas d’un choc classique, dû au financement des prêts immobiliers ou à l’investissement massif dans des produits toxiques, mais d’une tension sur un modèle qui doit évoluer.
M-O. P : Indépendamment du rôle que peut encore jouer l’Etat dans l’économie française pour la relance d’un nouveau cycle de croissance, toute initiative est désormais interdépendante du niveau européen, notamment du fait de la création de l’euro. Les débats d’ailleurs se sont beaucoup focalisés ces derniers temps sur les rapports de forces à l’intérieur de la zone euro entre la vision allemande et la vision française. Peut-on estimer que notre appartenance à la zone euro ferme la possibilité d’une stratégie économique autonome ou bien faut-il faire la part entre les contraintes extérieures et les possibilités réelles d’une politique qui nous soit propre ?
P-F. : La crise a suscité un véritable divorce entre la moitié nord et la moitié sud au sein de l’Europe. L’euro avait favorisé un flux de capitaux considérable de l’Europe du nord vers l’Europe du sud, dans lequel le système bancaire français jouait d’ailleurs un rôle d’intermédiation, puisqu’il s’endettait vis-à-vis du nord pour prêter au sud. Grâce aux capitaux provenant des banques d’Europe du nord, les banques d’Europe du sud ont pu prêter à leur tour aux ménages et aux développeurs immobiliers, à des conditions trop favorables en termes de taux d’intérêts, et ils ont nourri une énorme bulle de crédit.
Lorsqu’en 2010-2011 on s’est aperçu de l’étendue du problème et que le capital a commencé à refluer, ce ne sont pas une poignée d’emprunteurs, de banques et d’entreprises qui ont été pénalisés, mais des pays tout entiers qui ont été marqués d’une croix rouge. A la mi-2011, tout le capital qui était entré a commencé à refluer de manière accélérée vers le nord. Ainsi, ce n’est pas seulement l’Etat espagnol qui s’est trouvé en manque de financement, mais l’ensemble de l’économie espagnole. S’est produit un phénomène que presque personne n’avait prévu, une crise de balance des paiements à l’intérieur d’une zone monétaire.
Pour mieux saisir le caractère de cette crise, on peut citer l’exemple fameux d’une banque italienne, UniCredit, qui a comme clients deux hôtels qui situés de part et d’autre de la frontière austro-italienne. Ces deux hôtels ont les mêmes clients, des touristes internationaux, mais à partir de 2011 leur accès au crédit a cessé d’être le même : l’établissement italien a été sérieusement pénalisé. Cette distorsion économique, qui s’exprime dans cet exemple de manière chimiquement pure, résulte d’une faille insoupçonnée dans le système de l’euro. Que veut dire le marché unique si on peut soudainement être blacklisté en raison de sa nationalité ?
Le divorce entre le nord et le sud se manifeste aussi dans les récits de la crise qui sont défendus par chacune des deux moitiés. En Allemagne, tout le monde est persuadé que la crise a été le résultat de défaillances comportementales : pour caricaturer (mais à peine), certains pays se sont mal comporté, ont triché avec les règles, implicites ou explicites, et essayent de mettre la main sur l’épargne des Allemands maintenant qu’ils sont en difficulté. L’Europe du sud, pour sa part, estime que le système était vicié dès le début et que ses règles n’étaient pas clairement établies. De sorte que, au moment où la région s’est trouvée en difficulté, le capital s’est enfui. L’Europe du sud serait donc la victime d’un système qui fonctionne mal.
Aujourd’hui, chacun de ces récits est hégémonique dans chaque moitié de l’Europe et ces deux visions de la nature de la crise traversent toutes les discussions. Chaque camp a bien fait un pas vers l’autre. La vision selon laquelle les origines de la crise européenne résiderait dans une mauvaise gestion budgétaire a été suffisamment forte pour que l’Europe dans sa totalité, ou presque, accepte de signer le traité budgétaire de mars 2012, qui fait suite à une série de réformes législatives allant aussi dans cette direction. Mais on a également reconnu la réalité des failles systémiques en engageant la mise en place de l’union bancaire. Nous restons capables de surmonter les oppositions par la négociation. Mais, en même temps, l’opinion publique dans les différents pays adhère de façon unanime à l’un de ces récits, ce qui est facteur de fragmentation politique. Aujourd’hui le risque politique a remplacé le risques de marché. Les marchés sont très calmes. Tout en connaissant l’ampleur des problèmes, ils ont une tendance à croire qu’ils ne vont pas se matérialiser. Mais le danger n’est pas écarté Le risque politique peut entrer en résonnance avec le risque de marché.
M-O. P. : Dans cette division, la France est censée occuper une position médiane entre le nord et le sud. On espérait qu’elle parviendrait à faire évoluer la position allemande.
P-F. : La France a fait évoluer la position allemande. Il y a un élément qui n’a pas été capitalisé du tout sur le plan politique : le rôle que la France a joué dans la genèse de l’union bancaire. C’est une véritable réponse à la crise, car elle prend acte de la dépendance mutuelle entre les Etats et les banques.
Pour le comprendre, il faut passer par un détour analytique. Pourquoi ne dit-on jamais : « on ne veut pas prêter aux Bretons » ? Parce qu’à supposer qu’il y ait une bulle immobilière en Bretagne, cette bulle n’affecterait les actifs de BNP-Paribas ou de la Société Générale que pour la part de ceux-ci correspondant au crédit immobilier en Bretagne, et ce ne serait pas suffisant pour mettre en cause la solidité de ces banques. En revanche, s’il y a une bulle immobilière en Espagne, elle met en cause la solidité des banques espagnoles qui n’ont pas diversifié leurs risques – donc toutes, sauf BBVA et Santander. Dans une telle situation, il est naturel que les marchés mettent une croix rouge sur les banques espagnoles, et partant sur l’Etat espagnol qui est leur garant. Cela ne peut pas arriver dans le cas de la Bretagne parce que les banques ont un actif diversifié et que c’est l’Etat français, non la région Bretagne, qui est leur garant.
L’union bancaire apparaît comme une réponse systémique. Or il me semble que le soutien que François Hollande a apporté à ce projet, aussi bien que le soutien apporté par la banque centrale et par les autre acteurs du débat, lui a permis de franchir le cap et de monter au premier rang des priorités. Il est probable cependant que ce succès n’a pas eu le retentissement politique qu’il aurait pu avoir parce qu’il s’agit d’une mesure peu lisible. Il n’est pas facile de mettre en évidence les liens entre union bancaire, chômage et malaise des citoyens. Par contre, il est plus facile de communiquer l’impact de projets précis et des initiatives de croissance, même si quantitativement ils ont une moindre importance.
Je reviens à votre question : la France est effectivement dans une situation intermédiaire. Objectivement et subjectivement, elle possède des points communs avec le nord et avec le sud. Objectivement, la puissance des grandes entreprises ou la détention internationale de la dette rapprochent le pays du nord de l’Europe. Seulement, il s’agit d’une économie dont la compétitivité se détériore, même en comparaison à l’Espagne. Subjectivement, l’ambiguïté est forte : les Français ne savent pas toujours s’ils se voient comme des créanciers ou des débiteurs, s’ils doivent s’assimiler aux Grecs ou aux créanciers des Grecs. Les Allemands, sans aucun doute, se vivent comme les créanciers de la Grèce.
O. M. : Mais, pouvions-nous attendre la création d’un troisième récit de la part de la gauche à son arrivée au pouvoir l’année dernière ?
P-F. : Commençons par la réalité d’aujourd’hui : nous avon affaire à des récits nationaux que chacun va lire, dans son opposition aux récits alternatifs, comme une opposition à l’Europe. Les Européens du sud ne veulent pas de l’Europe « allemande », et les Allemands refusent l’Europe des éclopés. Chacun se croit dans une situation de faiblesse. Les Allemands, par exemple, sont perçus comme hégémoniques par tous les autres pays. Mais, dès qu’on considère la chronique de ces dernières années à travers les yeux des Allemands, celle-ci apparaît comme une suite de dérives par rapport auxquelles l’Allemagne a dû céder à chaque fois. Tant que l’on reste dans cette lecture, chacun se vit comme la victime d’une Europe dans laquelle l’autre est dominant.
Nous avons besoin de dépasser la dimension nationale pour qu’un débat politique à l’échelle européenne puisse prendre corps. L’occasion en est offerte par les élections au Parlement européen, qui auront lieu en 2014. Si les forces politiques sont capables de cristalliser un débat européen en mettant en avant des approches communes lisibles, alors il y aura l’opportunité de changer les termes du débat.
M-O. P : Paradoxalement, cette division apparaît comme l’occasion de politiser enfin le débat européen. Mais jusqu’ici la politisation a eu lieu seulement au niveau national. Il faudrait qu’on parvienne a construire une discussion transnationale.
P-F. : C’est la responsabilité des forces politiques européennes. Si elles n’y parviennent pas, je suis pessimiste sur le résultat des élections. C’est-à-dire qu’elles vont montrer typiquement la force de l’opposition à l’Europe et l’ampleur des divergences. Or la dimension nationale est très prégnante. L’évolution des partis politiques ne laisse pas espérer grand-chose. Le SPD, par exemple, s’est beaucoup rapproché des positions de la CDU. Auparavant, il était favorable aux eurobonds et se démarquait nettement du parti concurrent. Mais, face à l’attitude de l’électorat, il s’est aligné sur des positions plus proches de celles d’Angela Merkel, de manière à ce que l’Europe ne soit pas un facteur différentient sur lequel il risquait de perdre. Peer Steinbrück, le candidat SPD, tente depuis peu de redresser la barre. Mais à grand peine. Quant au PS français, sa tentative pour distinguer opposition à l’Allemagne et opposition à la chancelière Angela Merkel n’a pas convaincu. Il est en fait très difficile de construire une trame de débat politique trans-européen dans un contexte marqué par la prégnance des discours nationaux.
M-O. P. : Le paradoxe est donc que dans ces deux récits divergents, l’Europe est à chaque fois mise en question pour des raisons contraires.
P-F. : Pour donner un autre exemple de cette tendance générale à se penser comme victime, on peut évoquer à la réponse des Allemands à un rapport récent sur le patrimoine européen. D’après une étude de la BCE, en termes de patrimoine, les Allemands seraient parmi les plus pauvres en Europe. Or, il est vrai que les ménages d’Europe du sud possèdent des patrimoines importants, mais cela s’explique par la bulle immobilière et le fait que les Allemands ne sont pas les propriétaires de leur propre logement. L’Allemagne est un pays qui vit sur le marché locatif, qui fonctionne d’ailleurs très bien, et les prix de l’immobilier sont restés plats pendant 15 ans. La conséquence, c’est que toutes ces statistiques, qui datent de 2009 et qui n’ont donc pas enregistré la chute des prix immobiliers après la bulle, suggèrent que l’Europe de sud est, en dépit des apparences, beaucoup plus riche.
Leur publication fut le comble pour les Allemands qui se sont vus les créanciers de pays plus prospères. Le débat sur la retraite des Grecs avait suscité des réactions similaires. Les Allemands ont effectivement fait des sacrifices importants sous Schröder en matière de réduction des indemnités chômage, et des filets de sécurité et dans l’augmentation de l’âge de la retraite. Ils ne pouvaient qu’être choqués devant la situation de la Grèce, où les prestations sociales sont plus généreuses et où les riches ne payent pas d’impôts.
O. M. : Si l’on revient sur le cas de la France, on remarque que François Hollande est pris entre une gauche française qui lui reproche son orthodoxie économique, et Angela Merkel, à laquelle il essaye de résister. Dans ces conditions, peut-il faire une quelconque ouverture politique ?
P-F. : D’abord il faut déterminer ce qui est possible à l’intérieur de l’espace européen. Il y a un ou deux ans, l’ouverture consistait du côté de la France à accepter une plus grande intégration politique, et du côté des Allemands à consentir à la mutualisation de la dette. On a plutôt reculé sur les deux terrains. Je pense qu’il est possible que l’Allemagne aille, non pas vers un système qui impliquerait des transferts systématiques, mais du moins qu’elle accepte qu’il faudra faire certains efforts temporairement pour remettre les choses en état. L’initiative sur le chômage des jeunes, qui est financée par tous mais bénéficiera surtout les pays où ce chômage est le plus élevé, comme la Grèce et l’Espagne, est un premier pas – modeste – dans cette direction. On peut aller plus loin. La peur allemande que l’on capture son épargne laissera probablement la place à la reconnaissance de la nécessité du transfert, que ce soit sous une forme ou une autre. Dans ce cas, l’enjeu serait d’empêcher que les transferts deviennent systématiques et permanents. Pour comprendre cette appréhension, il faut se rappeler que l’Allemagne de l’est a été financée par des transferts considérables de la part de l’Allemagne de l’ouest, ce qui a laissé une empreinte dans la conscience des Allemands.
Du côté de la France, les Allemands attendent en contrepartie l’union politique. C’est un objectif mal défini, mais qui dans la tradition française implique l’acceptation de formes fédérales qui nous sont peu familières Merkel elle-même est ambiguë. Elle varie entre un modèle intergouvernemental et le fédéralisme traditionnel de l’Allemagne.
Les conditions ne sont pas les meilleures pour un compromis politique de la part de la France. Ce pays a tout de même derrière lui deux référendums qui ont marqué à chaque fois une fracture profonde sur les questions européennes, et en particulier à gauche. La fracture à droite recouvre largement la fracture entre le Front National et l’électorat traditionnel. Dans la fracture à gauche se retrouvent non seulement la divergence entre PS et Front de gauche, mais la tenssion entre les couches populaires, les classes moyennes et les classes moyennes supérieures. Pour un parti politique, il est très difficile de mettre au centre du débat une question qui divise son camp, alors même que ses efforts sont par ailleurs consacrés à combler ce fossé. Il faudra résoudre le problème parce que l’incertitude des Français peut devenir un facteur d’affaiblissement sur la scène européenne.
Posted by Jean Pisani-Ferry on 02/07/2013 | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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M-O. P : On a longtemps traité la crise comme s’il s’agissait d’un moment conjoncturel et que la machine repartirait toute seule à un moment ou à un autre. On a parlé trop vite de « sortie de crise », alors qu’il aurait fallu comprendre que, en sortant d’un système de croissance qui était fondé sur l’endettement public et privé qui n’est plus en mesure de fonctionner, il y a quasiment un nouveau cycle à entamer. Voit-on donc les prémisses de ce nouveau cycle ?
P-F : C’est un jugement trop sévère. Il ne faut pas oublier que la réponse au choc de 2008 a été remarquable par sa promptitude et l’intensité de la coordination internationale. Les dirigeants du monde ont montré qu’ils n’étaient pas oublieux des leçons des années trente , et pour la première fois les pays émergents, Chine en tête, ont pris toute leur part dans l’effort macroéconomique. En revanche, il est vrai que l’Europe a très mal géré la sortie de la relance de 2008-2009. A partir de 2010-2011, les Européens ont cru que la première urgence était de rétablir les comptes publics. Mais ce faisant, ils ont oublié que les problèmes de l’économie privée étaient loin d’être réglés. En imposant la réduction du déficit à des économies très fragiles, dont les systèmes bancaires étaient souvent encore dans un piètre état,dont les ménages et les entreprises étaient endettés, dont la compétitivité était insuffisante, les gouvernements et l’Union européenne ont contribué à la rechute dans la récession. D’autant que la politique monétaire ne pouvait pas grand-chose avec des taux d’intérêt à peine au-dessus de zéro. Toutes les conditions étaient réunies pour que l’ajustement budgétaire ait un effet très fort. La comparaison avec les Etats-Unis s’impose. Venu d’outre-Atlantique, le choc de 2008 a immédiatement contaminé l’Europe, dont les banques avaient beaucoup investi dans les produits toxiques américains. Mais les réactions à ce choc ont été complètement différentes. D’abord, l’Etat fédéral a obtenu dès mai 2009 un retour de confiance financière en imposant une mise au net générale des bilans bancaires. En Europe, nous n’y sommes toujours pas parvenus. Ensuite, les entreprises américaines ont réagi par un ajustement immédiat des effectifs, occasionnant une récession de l’emploi sans précédent depuis les années 1930. Cette réduction rapide des effectifs et des coûts de production a permis au secteur des entreprises de rester en bonne santé, malgré la contraction violente de l’économie. Enfin les ménages qui étaient surendettés, ont rétabli leur situation financière grâce à la faiblesse des taux d’intérêt et en faisant appel à des procédures de faillite personnelle. Il y a fallu cinq ans mais c’est fait. Le rétablissement des comptes publics s’est opéré de manière graduelle. C’est uniquement cette année, maintenant que les ménages se sont désendettés, que les entreprises sont en bonne santé et que les banques ont réglé tous leurs problèmes, que le gouvernement américain s’est engagé dans un ajustement budgétaire massif . On sait que ce choix s’est imposé, presque par accident : c’est l ’absence d’accord entre républicains et démocrates qui a abouti au "sequester" sur les dépenses fédérales . Mais finalement la séquence, absurde sur le plan de la gestion publique, tombe bien d ’un point de vue macroéconomique. La reprise économique s’est affermie et les vents contraires résultant de la contraction budgétaire ne l’arrêteront pas. En Europe, le déni sur l’état des banques a longtemps prévalu. On a vite prétendu qu' une fois réglés les plus gros sinistres de la période 2008-2009, le reste du système bancaire se trouvait en bon état. Et puis, en Espagne, à Chypre, aux Pays-Bas, et ailleurs, on a découvert que la situation était bien pire que ce qu’on croyait. Cinq ans après le choc, le système bancaire n’est toujours pas complètement assaini et cela pèse sur la capacité des banques à s’endetter et à faire leur métier de pourvoyeur de crédit . L’Europe savait, pourtant, qu’ étaler dans le temps la crise des institutions financières , comme l’avait fait le Japon dans les années quatre-vingt-dix, était l’erreur à éviter. Elle pouvait tirer les leçons du succès de la Suède qui, à la même période, avait montré les bénéfices d’un traitement résolu des problèmes bancaires. Mais le déni a prévalu. Du côté des entreprises aussi, la réaction a été très différente de celle des Etats-Unis. Les firmes européennes ont dans un premier temps conservé leurs effectifs, souvent encouragées par des procédures de chômage partiel, notamment en Allemagne. Le choc de la récession a été amorti et en 2009-2010, le chômage a finalement peu augmenté. Mais du coup la productivité a stagné et les entreprises se sont endettées pour passer le cap. Cette réponse aurait été économiquement rationnelle et socialement moins coûteuse si une reprise régulière avait suivi. Mais cela n’a pas été le cas. On n’a fait que reporter les problèmes de chômage dans le temps et les entreprises se sont affaiblies. En revanche l’Europe s’est précocement lancée dans l’assainissement budgétaire. L’objectif était inscrit dans le traité, et en plus la crise grecque – largement d’origine budgétaire , ce qui n’est pas le cas en Espagne, par exemple – a coloré toutes les perceptions et effrayé les Allemands. Pour cette raison, l’UE a engagé dès 2009 une procédure pour déficit excessif à l’égard de la plupart des Etats européens, elle a lancé dès la fin 2010 un plan d’assainissement budgétaire, et elle a renforcé les efforts à l'automne 2011 en réponse aux tensions sur les marchés. Tout cela aboutit à fixer des objectifs budgétaires très précis à des échéances déterminées, ce qui conduit à redoubler d’efforts en période de ralentissement et à affaiblir des économies déjà trop faibles . Quel est le résultat ? Les Etats-Unis ont probablement perdu assez peu de leur potentiel de production : en 2017, leur PIB se situera sans doute deux ou trois points en- dessous de ce qui était anticipé en 2007. Leur politique économique et monétaire est d’ailleurs construite sur l ’idée que leur trajectoire de croissance est seulement décalée vers le bas de deux ou trois points,à cause des investissements qui n’ont pas été effectués pendant la récession et des personnes qui ont perdu leur emploi, se sont découragées et sont sorties du marché de travail. Parce qu’elle est durable, telle perte est déjà considérable : en termes intertemporels, elle équivaut à effacer une année entière de production. En Europe, cependant, la perte de potentiel est certainement nettement plus élevée encore : d’au moins cinq points, voire plus. Et le risque existe que non seulement nous perdions sur le niveau de production, mais que la tendance de croissance soit elle-même affaiblie. Et ce n’est qu’une moyenne. Dans le cas de l’Espagne et de l'Italie (pour ne pas parler de la Grèce), d’ores et déjà, la décennie 2008-2017 fait figure de décennie perdue. La situation actuelle de l'Europe du sud rappelle l'Amérique Latine dans les années 1980. En 2017 leur PIB par tête sera en dessous de son niveau actuel .
Posted by Jean Pisani-Ferry on 01/07/2013 | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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PARIS – A year ago the eurozone was in serious trouble. A series of policy actions – the creation of a rescue fund, a fiscal treaty, and the provision of cheap liquidity to the banking system – had failed to impress financial markets for long. The crisis had moved from the monetary union’s periphery to its core. Southern Europe was experiencing a sell-off of sovereign debt and a massive withdrawal of private capital. Europe was fragmenting financially. Speculation about a possible breakup was widespread.
Then came two major initiatives. On June 28, 2012, eurozone leaders announced their intention to establish a European banking union. The euro, they said, had to be buttressed by the transfer of banking supervision to a European authority.
For the first time since the onset of the crisis in Greece, it was officially recognized that the root of the eurozone’s problem was not the flouting of fiscal rules, and that the very principles underlying the monetary union had to be revisited. The endeavour was bound to be ambitious. In the eyes of most observers, to reach the goal set by the leaders and “break the vicious circle between banks and sovereigns” required centralizing authority for bank resolution and rescue.
The second initiative came a month later. Speaking on July 26, European Central Bank President Mario Draghi announced that the ECB was ready to do “whatever is necessary” to preserve the euro: “Believe me,” he said, “it will be enough.” The meaning of these words became clear with the subsequent announcement of the ECB’s “outright monetary transactions” (OMT) scheme, under which it would purchase short-term government bonds issued by countries benefiting from the European rescue fund’s conditional support.
Both measures had an immediate and profound impact on financial markets. Seen from Wall Street, the euro was moving closer to becoming a normal currency. Turmoil in bond markets began to abate. .
A year later, where are we? First, the two initiatives resulted in markedly improved borrowing conditions for southern European governments (at least until Federal Reserve Board Chairman Ben Bernanke created new shockwaves with his indication in mid-June that the US would wind down more than three years of so-called quantitative easing). Capital stopped flowing out of southern Europe and speculation eased.
Second, an agreement on authorizing the ECB to oversee the banking sector was reached at the end of last year. In a year, the new regime will be fully operational – not a trivial achievement in view of the complexity of the issue.
Third, discussions are being held to prepare the next steps, namely how to arrange the resolution of failed banks and support for ailing ones. A template for action was recently agreed upon among ministers.
So there are clear positive outcomes. But questions remain.
One problem is architectural: any banking union is only as strong as the weakest of its components. What matters for markets is not what happens in normal times, or even what happens when uncertainty and volatility rise; what markets care about are possible scenarios in truly adverse conditions.
Breaking the negative feedback loop between distressed sovereigns and distressed banks – whereby bank rescues exhaust fiscal resources and make it likely that the next financial institution in trouble will not be able to count on government support – requires ensuring that it will not recur even in extreme circumstances. Merely “weakening” this loop, as European officials recently advocated, could prove deeply insufficient.
There are two alternative ways to eliminate the feedback loop. One is to exclude bank rescues altogether: only creditors would have to pay for bankers’ mistakes. This type of rule could insulate governments from banking risk only if it applied systematically, even at the expense of financial stability. Simply put, governments should not be ready of letting a bank fail.
The other solution is to mutualize the cost of rescue at the margin. States could be involved and accept losses, but catastrophic risks would have to be shared among all eurozone members.
Europe these days is vacillating between these two approaches. France does not want to rule out state-financed bailouts; Germany is reluctant to mutualize budgetary costs. A compromise between them is being worked out. But it must pass the reality test. Unfortunately, the middle way between two logically consistent solutions is may not be a logically consistent one. It has happened in the past.
Meanwhile, the credibility of Draghi’s atomic weapon is being undermined. The miracle of the OMT scheme is that, since it was announced a year ago, it has had its intended effect without ever being used. Strong opposition on the part of the Bundesbank and many German academics, however, have raised questions about whether and how it could be used.
To defend its legality in hearings before Germany’s Constitutional Court, the ECB itself has argued that the OMT program is a less potent instrument than many believe. Although the German government has been adamant that it is not a German court’s role to rule on the legality of ECB instruments, markets have taken note.
In a few months, it will be four years since the eurozone crisis began – almost an eternity by historical standards. Much has been done to overcome it. But it is still too early to declare the job done and claim victory.
Posted by Jean Pisani-Ferry on 03/06/2013 in Column Project Syndicate | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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(This is my introduction to Bruegel's Annual Report for 2012. My last)
As our rules fortunately prevent the director to succumb to the temptation of serving for too long, this will be my last introduction to the Annual Report.
The years spent with Bruegel have been the most rewarding of my professional life. If I were to choose a word to encapsulate what started more than ten years ago as an improbable project – that of creating a European think tank – it would be trust. Trust is what, against all odds, made Bruegel possible.
Trust is what made Bruegel thrive. Trust has been our membership’s most precious bequest.
Trust has been from day one what the Chairman and the Board endowed the director with. Trust is what
makes a small collection of individuals a formidable team.It is not my role to comment on our successes (and I would actually be
more tempted to discuss our shortcomings). But I may perhaps try to summarise in a few words what
makes Bruegel unique and why it has been a privilege to contribute to its development:
• We believe in ideas. The birthing and nurturing of ideas is our raison d’être. As John Maynard Keynes, we think that “the power of vested interests is vastly exaggerated compared with the gradual encroachment of ideas”. We consider that by contributing ideas we can greatly help improve economic policies;
• We believe in evidence. We have respect for facts, not prejudices or ideologies. We think taboos were made to be challenged;
• We believe in independence. Bruegel’s credibility rests on its uncompromising tradition of impartiality. It is this very independence that makes dialogue with various stakeholders both possible and fruitful;
• We believe in discussion. Not all ideas are the child of an argument, but most grow out of arguments. Within the Bruegel team we never miss the opportunity for a good dispute. We are equally keen to submit ideas to the critique of our members;
• We believe in persuasion. There are more good ideas on offer than opportunities to turn them into reality. Our work does not end with the production of a paper; it also requires to convey and convince;
• We believe in dialogue. Europe is not run from Brussels. It is diverse – even, these days, divided. This makes dialogue with all its components essential;
• We believe in openness. Europe is a small place with a long memory and a wealth of experience. We aim at making it more outward-looking and focused on its future.I should add also,but it is of a different nature, that we believe in people. A think tank is a community of talents. We have an outstanding one. Our duty is to offer to all of our colleagues an environment in which they can grow, thrive and be creative.
I remember visiting a US think tank about ten years ago, when Bruegel was still little more than a concept. When I asked one of the fellows why she had chosen to work with it she replied immediately “because I want to change the world”. We are Europeans, so we do not speak so frankly. But I suspect many of us secretly share the same hope.
A change of guard is a fantastic opportunity for improvement. I trust my successor will break taboos and lead Bruegel in the exploration of new horizons. This is what I wish for Bruegel.
April 2013
Posted by Jean Pisani-Ferry on 09/05/2013 | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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Bruxelles est prête à donner deux ans à la France pour réduire son déficit. Est-ce une bonne chose?
C’est du réalisme. La Commission a de nouveau révisé ses prévisions de croissance à la baisse, pour la France comme pour l’ensemble de la zone euro. Sur cette base, elle s’attend maintenant à un déficit de plus de 4% du PIB l’an prochain. Exiger un retour immédiat sous les 3%, c’était demander un effort budgétaire trop important et casser la perspective de reprise. Olli Rehn a eu raison de repousser l’échéance.
Comment expliquez-vous ce changement de doctrine ?
Disons plutôt une correction, qui ne concerne d’ailleurs pas que la France. Jusqu’ici la Commission avait accordé des délais à plusieurs pays, mais seulement après que le caractère irréaliste de l’objectif était devenu patent. Résultat, elle paraissait aveugle à la situation de l’économie et forçait les gouvernements à prétendre vouloir réaliser l’impossible. Cela sapait leur crédibilité et la sienne propre. Cette fois-ci elle préempte le sujet. Cette approche est cohérente avec le nouveau traité budgétaire, qui formule les objectifs en termes structurels (correction faite de la conjoncture), pas nominaux. En tant qu’ancien directeur de Bruegel, je me réjouis que nos recommandations de longue date soient écoutées. En tant que nouveau commissaire à la stratégie, je me réjouis qu’on adopte une démarche plus structurelle.
La Commission reconnaît donc ses erreurs ?
Elle reconnaît à demi-mot une erreur de séquençage et une erreur de méthode : La première est d’avoir voulu réduire les déficits à marche forcée sans avoir précédemment remis en état l’économie privée, notamment le système bancaire. La deuxième est d’avoir vouloir rassurer les marchés, qui ne sont pourtant pas idiots, en mettant en avant des objectifs nominaux. Attention cependant : la Commission ne revient pas sur l’objectif d’inversion de la courbe de la dette. Et elle a raison. Délai ou pas, le problème reste et il faut le traiter. La contrepartie de la souplesse budgétaire pour l’immédiat, c’est le sérieux sur les finances publiques pour le moyen terme et ce sont les réformes économiques de croissance.
Le PS se déchire sur la responsabilité de l’Allemagne. Comment regardez-vous cela ?
Le débat sur les politiques économiques en Europe est indispensable. Mais il doit être mené sur le fond, à partir de propositions et en se gardant des postures ou des caricatures.
Vous venez d’être nommé commissaire général à la stratégie et à la prospective auprès de Jean-Marc Ayrault. Quel est votre rôle?
Il est double. D’une part, éclairer les choix publics. Pour être utile, ouvrir de nouvelles pistes ou préparer d’éventuelles inflexions, la réflexion doit avoir un temps d’avance. D’autre part, impliquer les partenaires sociaux et la société civile dans la concertation et le débat. Ces deux missions sont complémentaires : plus le Commissariat sera écouté du gouvernement et plus les acteurs sociaux voudront y venir ; plus la réflexion impliquera les acteurs sociaux et plus elle sera intéressante pour le gouvernement.
Force Ouvrière s’est élevée contre votre nomination. Votre objectif de dialogue social n’est-il pas déjà entaché ?
FO était très attachée à la création du Commissariat. Sa réaction un peu fraîche ne m’empêchera pas de rechercher le dialogue. J’entame une consultation de l’ensemble des partenaires sociaux pour les écouter sur la méthode de travail et les thèmes qui les préoccupent les plus. J’attends la réponse de Jean-Claude Mailly.
Justement, quel est votre feuille de route des prochains mois ?
Le Commissariat sera totalement opérationnel à la rentrée. Sur la méthode, il s’appuiera sur le meilleur de la tradition léguée par l’ancien commissariat au plan mais tiendra compte, bien sûr, des transformations de l’économie et de la société. Nous ne sommes plus au temps de l’économie dirigée, la société civile est beaucoup plus complexe et diverse. Les techniques d’information ont changé aussi et nous permettront de travailler beaucoup plus dans la transparence: les travaux des commissions seront publiés sur Internet et permettront de suivre les débats en temps réel.
Et sur le fond ?
Nous devons nous concentrer sur les enjeux majeurs. Le Centre d’analyse stratégique, dont le Commissariat reprend la structure, avait suivi une stratégie de niches. Le gouvernement nous demande de nous positionner sur les questions centrales de la stratégie économique et sociale. Le choc de 2008 pose des questions très profondes sur notre modèle de croissance, sur l’organisation de la sphère publique et sur la soutenabilité de notre modèle social. En 2013, le PIB de la France sera au même niveau qu’en 2007 alors qu’il aura bondi de 70% en Chine ! Peut-on encore se projeter dans un avenir de progrès, ou bien nos enfants sont-ils condamnés à vivre moins bien que leurs parents ? C’est typiquement dans cette situation actuelle d’interrogation, voire de crispation, qu’une instance comme la nôtre est utile. Le rôle du Commissariat est d’aider la société à penser son avenir et d’aider le gouvernement à en tirer des décisions
Posted by Jean Pisani-Ferry on 06/05/2013 | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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PARIS – In early 2010, a group of men (and a few women) in dark suits landed in Athens. They belonged to a global institution, the International Monetary Fund, and to a pair of regional ones, the European Commission and the European Central Bank. Their mission was to negotiate the terms and conditions of a financial bailout of Greece. A few months later, what became known as the “Troika” was dispatched to Ireland, then to Portugal and later to Cyprus.
This endeavor was bound to have wide implications. The Troika negotiated what ended up being the largest financial assistance packages ever: loans to Greece from the IMF and European partners are set to reach €240 billion ($310 billion), or 130% of the country’s 2013 GDP – far more in both absolute and relative terms than any country has ever received. Loans to Ireland (€85 billion) and Portugal (€78 billion) are also significantly bigger than those usually provided by the IMF.
Moreover, cooperation between the three institutions is unprecedented. Back in 1997-1998, during the Asian crisis, the G-7 flatly rejected Japan’s proposal for an Asian Monetary Fund. Now the IMF has even accepted a minority-lender role, with the bulk of assistance coming from the European Stability Mechanism (ESM), a new institution often viewed as an embryonic European Monetary Fund.
It is frequently argued that the size of the assistance packages is a testament to Europe’s clout within the IMF. Perhaps, but the packages are, first and foremost, a consequence of the constraints to which Europeans were (and still are) subject.
Economic adjustment is necessarily slower within a monetary union than it is for countries with their own currency, because, even for very flexible economies, prices change more slowly than the exchange rate. Delivering the same result therefore takes more time, and requires keeping countries in intensive care for longer – and at higher cost.
Three years later, the results are mixed at best. Unemployment has increased much more than anticipated and social hardship is unmistakable. There is one bright spot – Ireland, which is set to recover from an exceptionally severe financial crisis. But there is also a dark spot: Greece, where GDP has shrunk by 20% since 2009 and where the public debt/GDP ratio is now higher than anticipated at the launch of the program, despite the debt reduction negotiated with private creditors in February 2012. This is not because of a lack of fiscal consolidation. On the contrary, the Greek authorities have done more than planned on this front. But the collapse of GDP has necessarily implied a rising debt ratio, driving the country into a recessionary spiral as economic contraction forces further spending cuts.
Could the Troika have done better? It was responsible neither for existing monetary conditions – a currency union with a central bank focused on price stability. But the European officials’ hesitant response to the crisis added to the difficulty. Prolonged controversies over the terms and conditions of assistance and the absurdly high interest rate initially set on official loans exacted a high toll on countries already under stress.
Furthermore the Troika made three mistakes. First, Greek debt reduction was postponed for too long. Once it became clear that the burden was unbearable, debt should have been cut expeditiously. Too many creditors were reimbursed at par on their maturing claims.
Second, the Troika based its programs on overly optimistic assumptions. It misjudged the consequences of fiscal consolidation and credit constraints, underestimating the contraction of employment and overestimating exports and privatization receipts.
Finally, not unlike what happened during the Asian crisis in 1998, the Troika took country cases one by one. As a result, it did not pay enough attention to cross-country spillovers and deteriorating conditions in the wider eurozone.
Should the Troika survive? Its three participating institutions have different mandates and different roles. It was perhaps inevitable that initially they worked jointly; but there is reason to question such an approach now.
Operationally and financially, the IMF has become much more involved in Europe than its global shareholders deem sustainable. It should become a catalytic lender whose participation in eurozone programs remains desirable but not indispensable – giving it the possibility to disagree and walk away.
The ECB is in an odd position as well, but for different reasons. As the eurozone’s central bank, rather than a lending institution, it does not have a clear role in negotiations on behalf of creditors. If it remains in the Troika, its participation should be mostly silent.
Finally, Europe should transform the ESM into a European Monetary Fund capable of providing policy assessment and advice as well as financial assistance – possibly drawing on European Commission staff.
Beyond European specifics, the Troika experiment answers a question of major importance to other parts of the world: Can the IMF cooperate with regional institutions? The answer is yes – but not easily. The Troika has proved functional, and Europe would have been at pains to provide conditional assistance to eurozone countries without the IMF’s participation and support. But cooperation has proved to be difficult, if only because each participating institution has rules and constraints that are not easy to reconcile with the others’.
This column draws on a Bruegel report coauthored with André Sapir and Guntram Wolff.
Posted by Jean Pisani-Ferry on 05/05/2013 in Column Project Syndicate | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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Le débat sur l’austérité budgétaire a repris en Europe. Ce n’est pas étonnant. Depuis 2010, celle-ci s’est attachée à redresser les finances publiques, au prix d’efforts importants : trois points et demi de PIB en trois ans dans la zone euro, un peu plus de trois en France, plus de quatre au Royaume-Uni, sept au Portugal, douze en Grèce. Mais parallèlement la reprise a marqué le pas : en zone euro, 2013 sera la deuxième année consécutive de croissance négative. Le FMI parle maintenant de reprise à trois vitesses pour souligner que le groupe des pays avancés s’est coupé en deux avec, d’un côté, les Etats-Unis où la reprise est solidement établie, et de l’autre l’Europe qui est à la traîne.
Entre consolidation budgétaire et panne de croissance, y a-t-il lien de cause à effet ? Sans que l’un soit la seule raison de l’autre, on ne peut le nier. D’autant que deux erreurs ont été commises. L’UE, d’abord, a voulu croire que son premier problème était budgétaire, oubliant au passage que le mauvais état de ses systèmes bancaires et l’excès de dette privée dont souffrent plusieurs pays. Ces handicaps ont empêché la demande privée de prendre le relais de la demande publique. Avec des taux d’intérêt de la BCE bloqués au voisinage de zéro, les conséquences économiques des politiques de rigueur soient particulièrement marquées.
La deuxième erreur a été de vouloir répondre à la hausse des taux sur les marchés obligataires en fixant des objectifs budgétaires nominaux (ramener le déficit à X% du PIB à la date T) plutôt que structurels (réduire les dépenses ou augmenter les recettes de Y points de PIB par an). L’Europe s’est ainsi mise à la merci d’une logique d’amplification des cycles qui contraint à d’autant plus d’efforts que la situation est mauvaise. La Commission s’efforce d’y échapper en accordant des délais aux pays qui étaient à la peine, mais trop tard et comme à contrecœur.
Les Etats-Unis, quant à eux, ont réparé leur système bancaire dès 2009 et ont donné aux ménages le temps de se désendetter (y compris par des faillites personnelles). La Fed a vigoureusement soutenu la demande. Et, jusqu’à la fin 2012, l’ajustement budgétaire a été graduel. Le choc est venu en 2013, avec les coupes automatiques de dépenses, mais entre-temps l’économie privée avait gagné en vigueur. Cette stratégie a donné de meilleurs résultats.
Qu’en déduire pour l’avenir ? Sauf à envisager une répudiation de la dette ou la sortie de l’euro, l’une et l’autre bien plus coûteuses, certainement pas qu’il faut jeter le sérieux budgétaire à la rivière. La question n’est pas de savoir s’il faut réduire les ratios de dette publique, mais quand et comment. Avec ou sans Reinhart et Rogoff, il demeure qu’il est dangereux de laisser la dette publique avoisiner 100% du PIB. Or huit pays de la zone euro seront dans cette zone fin 2013.
La bonne stratégie consiste à conduire la consolidation budgétaire graduellement mais avec persistance, en veillant à la qualité des mesures tout autant qu’à leur quantité. Les gouvernements craignent cependant qu’en procédant ainsi, ils suscitent la méfiance des marchés et que leurs coûts d’emprunt s’en ressentent. Parce qu’ils n’ont pas confiance en leurs partenaires, beaucoup en Europe du Nord continuent aussi à faire des objectifs nominaux l’alpha et l’oméga de la stratégie budgétaire. Dans les deux cas le problème est le même : retarder une partie de l’ajustement pour préserver la croissance, n’est-ce pas en fait le repousser aux calendes grecques. N’est-ce pas s’avouer incapable d’affronter les choix qu’exige une maîtrise durable des finances publiques ?
La solution consiste à crédibiliser l’engagement de réduction du déficit Pour cela il faut fonder ses calculs sur des prévisions prudentes ; décider dès aujourd’hui des mesures qui s’appliqueront demain, ou du moins avancer suffisamment dans leur préparation éclairer l’horizon ; identifier les gisements d’efficacité dans la sphère publique ; programmer la fin des politiques dont le rapport coût-bénéfice est trop élevé ; mettre en place les mesures propres à équilibrer les régimes de retraite sur plusieurs décennies ; fixer pour l’assurance-maladie et le chômage des règles d’équilibre sur le cycle ; donner, enfin, les grandes lignes des réformes fiscales qui apporteront de la ressource sans décourager l’activité. Rien de tout cela n’empêchera, évidemment, un parlement de voter demain en sens contraire ; mais cela le rendra moins probable.
Au niveau européen, les programmes de stabilité que les gouvernements adressent chaque année à Bruxelles devraient servir de support à un dialogue sur ces mesures à venir et à certifier les engagements nationaux. Au lieu de limiter les marges de manœuvre immédiates, ils devraient servir à les élargir en rassurant sur le fait que la consolidation budgétaire aura bien lieu.
La logique est imparable : plus on se lie les mains pour demain, plus on gagne des marges de liberté pour aujourd’hui. C’est cela qu’il faut faire.
Posted by Jean Pisani-Ferry on 26/04/2013 | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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Five years ago, when Lehman Brothers failed, the same shock hit the US and the EU. It was US-made, but deep financial integration between the two sides of the Atlantic implied that European banks suffered from it as much as US banks.
Today, however, Europe is lagging the US by a significant margin. GDP in the EU is and is expected to remain for a year at least below the 2007 peak, while the US economy is safely above it. The European employment recession was much milder than the US one, but Europe continues to destroy jobs, whereas the US is its third year of job creation. Finally business investment recovered a bit in Europe, then contracted again, while it is on the rise in the US.
Why is it that reactions to the same shock differ so much? In part this is an old story that started in the 1980s when Europe’s relative catching up stalled. But there is more. To its long-term growth challenge, Europe has added a short-term one and they now interact perversely with each-other, creating a serious risk of vicious circle.
The reason is that Europe made three mistakes in the management of the crisis. The first was to underestimate its banking problem. Financial intermediation is of central importance for growth and productivity, especially when, in the aftermath of crises, reallocation of labour and capital across sectors and firms has to take place, and especially in very bank-based economies such as the European ones. When banks are ill, the economy suffers.
Japan in the 1990s illustrated the dangers of procrastination in dealing with banking sector weaknesses. The US learned the lesson. In 2008-2009 it tackled its banking problem aggressively. Back then, many doubted the medicine would be effective. But it was. Five years into the crisis, banks in the US are healthy, while Europe has too many weak ones.
Banking weakness is probably one of the reasons why Europe has not recorded significant productivity gains in the last five years, limiting its potential output, while the US in the aftermath of the 2008 shock experienced a productivity surge. Certainly finance is only one of the factors behind this poor performance, but it is one that contributes to lowering investment and the replacement of less efficient firms by more efficient ones.
The second mistake was to ignore that its crisis is for sure a debt crisis, but not only a public debt crisis. It is also a private debt crisis. This is true of the US, where the household sector was heavily indebted, but also of several European countries. Europe’s household debt problem may have been less serious than the US one, but it also had a corporate debt problem. Soon after the 2009 recession, Europe’s choice was to focus on the public debt problem. It is legitimately proud of having gone further than the US on this front. But thanks to personal bankruptcy procedure and a faster nominal GDP growth rate, the US has managed to reduce private debt while it has increased in Europe. Overall, since 2007 the US has piled up less debt in proportion of GDP. Furthermore, its private debt-to-GDP ratio is now in safe territory, which implies that households can spend instead of saving.
With a functional financial system and financially sound households and firms, the US economy is now better able than that of the EU to undergo a period of fiscal adjustment. True, one never knows what the US political system will be able (or unable) to deliver. But from an economic standpoint at least, it was better to frontload private deleveraging and to delay the public one.
The third mistake was the management of the euro crisis. It is a problem of its own that does not require extensive discussion here. The important point is that as long as relative prices between the north and the south of the euro area remain distorted, this is bound to affect the reallocation of capital and labour to productive sectors and the emergence of new firms. Again, this is a hindrance to recovery. Rebalancing between north and south is taking place for sure, but its pace is too slow and this affects the growth potential.
It is thus not one problem that prevents Europe from growing. It is a perverse interaction between several simultaneous ones – a banking one, a deleveraging one and a rebalancing one – that also contribute to a fourth one, low productivity.
For those whose interest is to draw lessons from experiences in other regions of the world, the comparison between the two continents is telling enough. For the Europeans, who inhabit one of these two continents, observations on the effectiveness of policies are less important than action. Europe still has the capacity to correct its mistakes and improve its record. This requires to set the priorities right.
The first one is financial repair. The coming creation of a banking union is a unique opportunity to complete the strengthening of European banks. This requires comprehensive action – recapitalisation for solvent banks, resolution for insolvent ones – before the European Central Bank takes over from national supervisors. Corresponding fiscal costs should be recognised, even if this acknowledgement increases public debts. Other initiatives should also be taken to ensure that credit can flow to firms that are too small to access bond markets.
The second priority is to foster reallocation of capital and labour across firms and sectors. Financial repair will help, if accompanied by reforms that favour the mobility of production factors. Incentives to such reforms should be put in place.
The third priority is to choose the right pace of fiscal consolidation. The issue is not whether to embrace or reject austerity, but to adopt the right timing for the unavoidable consolidation of public finances. The fiscal framework that Europe has devoted so much effort to put in place should be used to make commitment for tomorrow enforceable.
The fourth priority is to accelerate relative price rebalancing in the euro area. This requires more wage and price increases in the North and less in the South, keeping price stability in the euro area as a whole.
Posted by Jean Pisani-Ferry on 07/04/2013 in Column Project Syndicate | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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PARIS – Controversy is essential to the advancement of science. So the debunking of methodological flaws and a coding error in a paper by the economists Carmen Reinhart and Kenneth Rogoff is just part of everyday life in academia. Yet coverage of the controversy by the news media and the blogosphere has been astonishingly intense – and simplistic.
“Growth in a time of debt” the short 2010 paper in which Reinhart and Rogoff claimed that public debt starts to have a significantly detrimental effect on economic growth once it reaches 90% of GDP, was never a celebrated piece of economic research. As a rough empirical characterization of stylized facts, it was received somewhat skeptically by the academic community, and both authors were known for much more noted contributions. Google Scholar, the academic search engine, records more than 3,000 academic citations of Rogoff’s most cited paper, compared to less than 500 for “Growth in a Time of Debt.”
What would have normally remained a subject for post-seminar small talk has, however, become a topic for discussion by journalists, commentators, and policymakers. For all of them, what matters is that the sorry fate of the Reinhart/Rogoff paper undermines the case for fiscal austerity.
A few months ago, Olivier Blanchard, the International Monetary Fund’s chief economist, had already criticized his colleagues and policymakers in advanced countries for systematically underestimating the recessionary impact of fiscal consolidation programs. The debacle of the Reinhart/Rogoff paper is widely regarded as another, fatal illustration of austerity’s shaky intellectual foundations.
But this is only partly true. Until the Reinhart/Rogoff paper, the main argument for fiscal retrenchment rested on concerns about the sustainability of public debt. The question was whether a sovereign would ultimately be able to repay its debt, given specific economic and financial conditions, long-term trends such as the aging of the population, and uncertainty about the future course of policy.
The problem was that economists were unable to say how much is too much. There was no given threshold below which debt was innocuous and above which it was dangerous. So the message to policymakers was confusing. Economists were like doctors telling patients that, while some wine may be beneficial, too much is certainly dangerous – without being able to tell them how many glasses per day they were allowed. They were right, but hopelessly imprecise.
Confusion was especially acute in early 2010, when “Growth in a Time of Debt” was published. The global economy was just emerging from the deepest recession in the post-World War II period. A global Keynesian stimulus had prevented the worst, and the most urgent policy question was whether to continue supporting the economy or start consolidating.
Some argued in favor of delaying consolidation, because the economy was still in a deep recession; too harsh an adjustment, according to this view, would have a major impact on a still-weak private economy. Some claimed the opposite, arguing that, given the scale of the task, there was no time to lose.
The Reinhart/Rogoff paper appeared to provide the perfect argument in support of rapid consolidation, which is why it was cited intensively in policy discussions. Austerity, it was argued, was needed to stem the rise in the debt ratio and safeguard long-term growth.
To be sure, retrenchment could entail some short-term costs; but the longer-term benefits would be much bigger. Even though Reinhart and Rogoff themselves did not draw that conclusion explicitly in their paper, many drew it for them. It was so tempting for a minister or a senior technocrat to explain that consolidation had to start immediately, because the 90% threshold was approaching, that most of them did not resist it.
Heavy reliance on what turns out to be disputed evidence now leaves the fiscal hawks in a weak position, to say the least, vis-à-vis their opponents. This is especially true in Europe. Having promised that rapid consolidation would be good for growth, and having delivered recession, the European Union has disappointed its citizens. Adjustment fatigue is setting in, and governments risk losing support to go much further in the consolidation effort.
The danger is that the discrediting of hasty austerity could undermine the case for fiscal responsibility in the long run. If so, financial markets could conclude that public-debt sustainability is in serious danger – a perception that could have highly adverse effects on financing conditions. In the end, growth would indeed suffer, ironically proving Reinhart and Rogoff right.
This episode once again underscores the importance of intellectual rigor. Of course, that is not always an easy credo by which to abide. Researchers are tempted by persuasive results that can attract the interest of policymakers, who are tempted by a selective reading of the evidence that can provide them with ammunition in domestic and international debate. Submitting to either temptation, as the Reinhart-Rogoff episode has shown, is never advisable.
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Posted by Jean Pisani-Ferry on 03/04/2013 in Column Project Syndicate | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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It is an old and a never-ending contest. On one side are the moral-hazard scolds, claiming that one of the major responsibilities confronting policymakers is to establish incentives that demonstrate that imprudent behavior does not pay. On the other side are the partisans of financial stability, for whom confidence in the financial system is too precious to be endangered, even with the best possible intentions.
Cyprus has been the latest battleground between the two camps. On March 25, after the decision had been taken to resolve the country’s second-largest bank, and to impose large losses on uninsured depositors in the process, Eurogroup President Jeroen Dijsselbloem, the Dutch finance minister, declared that a healthy financial sector requires that “where you take on the risks, you must deal with them.” The aim, he added, should be to create an environment in which Europe’s finance ministers “never need to consider a direct recapitalization” of a bank by the European Stability Mechanism. He was apparently reading from a textbook on moral hazard.
Immediately after this declaration, however, prices of European bank stocks plunged, and Dijsselbloem was accused by many (including some of his colleagues) of having poured oil on a burning fire. Within hours, he issued a statement indicating that “Cyprus is a specific case with exceptional challenges,” and that “no templates are used” in the approach to the European crisis.
This is not convincing. Markets learn from a current crisis which principles will be applied in the next one. And letting them learn is precisely what the fight against moral hazard is about.
European policymakers have been agonizing over the same dilemma throughout the Cypriot crisis. The burden of bailing out the country’s ailing financial institutions was too heavy for an already-indebted Cypriot state, and the International Monetary Fund was adamant that it would not pretend otherwise. So, in mid-March, Cyprus was heading for a precipitous retrenchment of its banking system, resulting in the loss of a very large part of the country’s financial wealth. For the IMF and Germany, which pushed for such an outcome, the rationale was the need to prevent moral hazard.
Cypriot President Nicos Anastasiades, reportedly with some support from European institutions, desperately tried to avoid this fate – in the name of financial stability. The solution found during the night of March 15 – a one-tie tax on deposits – was defensible from the Cypriot viewpoint. Preserving domestic financial stability required limiting taxation of large deposits, because a substantial proportion belonged to foreign account-holders. Avoiding a massive withdrawal of foreign capital therefore implied taxing all deposits below the €100,000 ($130,000) threshold. Absent a foreign bailout, no other solution was on offer.
But this solution was detrimental to financial stability in the rest of Europe, because it signaled that the €100,000 threshold below which deposits are guaranteed was not sacrosanct. Legally, of course, this guarantee is only worth the solvency of the guarantor – in this case the near-bankrupt Cypriot state. But its abrogation would nonetheless be symbolically powerful, sparking anxiety throughout Europe.
The obvious way out of this dilemma would have been for Cyprus’s eurozone partners to assume the cost of the tax on deposits below €100,000. Doing so would have cost them an estimated €1.3 billion, or roughly 0.01% of their GDP – a ridiculously low price to pay for financial stability. It would not have created much moral hazard: large depositors would have been taxed, and the Cypriot government would still have suffered the strictures of an IMF/eurozone program – bitter enough medicine.
But, at a time when northern European citizens are full of resentment against banks and seething with anger over transfers to the south, German Chancellor Angela Merkel and her peers did not want to ask their taxpayers to pay for a partner country’s mistakes.
That agreement was not politically viable, and was overwhelmingly rejected by the Cypriot parliament. So, ten days after their agreement on an ill-fated solution, the Eurogroup ministers changed course and adopted the approach that they had tried to avoid. Banks are being precipitously resolved.
The consequences are already visible: to avoid a complete meltdown, Cyprus has been forced to introduce capital controls – which everyone had thought were illegal and unthinkable within the eurozone. As a result, investors and depositors have learned that the erection of financial barriers within the currency area is indeed a genuine risk. And the Cypriots are so angry at Europe that a deliberate exit from the eurozone has become a distinct possibility.
Ultimately, the true contest is less between moral hazard and financial stability than it is between financially sensible and politically acceptable solutions. In Europe, as elsewhere, financial policy used to be the remit of specialists – central bankers, regulators, and supervisors. Not anymore: the experts have lost their legitimacy.
Nowadays, angry citizens are in charge. Financial policy is driven by politics. But politics in Europe is national, and what one national parliament regards as the only possible solution another national parliament regards as entirely unacceptable. Europe has not yet found a response to this problem, and it is not on the way to finding one.
(Project Syndicate Column, March 2013)Posted by Jean Pisani-Ferry on 01/04/2013 in Column Project Syndicate | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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Une bonne intrigue combine classiquement le froid calcul des acteurs rationnels, la dose de cafouillage nécessaire au réalisme, et ce qu’il faut d’émotion pour électriser. Les trois éléments se retrouvent dans le drame chypriote.
Le calcul des intérêts est au point de départ de l’affaire. Les pertes accumulées par un système bancaire hypertrophié l’ont rendu totalement dépendant de la BCE. Celle-ci ne veut plus continuer à assurer la survie de banques insolvables, et demande une solution. Sans union bancaire encore, c'est à l’Etat chypriote qu’il revient d'éponger les pertes accumulées, mais celles-ci sont trop lourdes pour lui. Il ne pourra pas à la fois les assumer et rembourser les crédits d’assistance dont il a un besoin pressant. Soucieux de rétablir une crédibilité écornée, le FMI a d'ailleurs décidé de ne pas jouer la comédie : il ne prêtera pas à l’Etat chypriote tant que celui-ci n’aura pas restauré sa solvabilité.
Au lendemain des élections il y avait deux possibilités. Soit les partenaires européens prenaient à leur charge le renflouement des banques ; ce n’était pas bien cher – 0,06% du PIB de la zone euro - mais Mme Merkel, elle aussi soucieuse de crédibilité, ne voulait pas entendre parler ; elle savait d’ailleurs que si elle cédait, le SPD ne manquerait pas de se poser en défenseur de l’épargne des Allemands. Soit l’Etat faisait payer les créanciers des banques, qui sont en l’espèce des déposants ; ce fut la solution retenue le 16 mars par les ministres des Finances au terme d’une nuit de négociations. Plutôt que de passer par une procédure de résolution, ils optèrent pour un prélèvement sur les dépôts.
C’est là qu’est intervenu le cafouillage, hélas à dose plus qu’homéopathique. La protection des déposants est une pierre angulaire de la stabilité financière, parce qu’elle prévient les paniques. Juridiquement, cela n’interdit pas de taxer les dépôts (l’Italie l’a fait en 1992), mais il y faut du doigté et une exécution sans faute. Pour préserver son statut de place offshore, Chypre voulait ménager les titulaires de gros comptes, ce qui a conduit à imposer, et sans même une franchise, tous les avoirs inférieurs au seuil européen de 100.000 euros en-dessous duquel s’applique la garantie des dépôts. L’accord conclu par l’Eurogroupe était ainsi contestable. Le fait que tous les participants à la décision s’en soient depuis distanciés est un terrible révélateur des dysfonctionnements et, pour tout dire, de l’irresponsabilité des comités qui tiennent lieu d’instances de gouvernance européenne.
Mais après avoir accepté l’accord et imposé qu’une taxation au premier euro, le gouvernement chypriote ne l’a pas défendu face à une opinion scandalisée. L’émotion est venue, comme il se doit, du peuple. Le parlement a rejeté le projet en bloc.
Après les élections italiennes il y a un mois, la révolte des Chypriotes confirme ainsi que le risque financier sous l’emprise duquel nous avions vécu les années 2010-2012 a été remplacé par le risque politique. Ce ne sont plus les spéculateurs qui menacent la monnaie européenne – ils sont d’ailleurs restés remarquablement calmes la semaine dernière – ce sont des peuples exaspérés.
Que faire désormais ? Il n’y a plus de bonne solution. Forcer Nicosie à liquider les banques, en faisant porter les pertes sur les déposants non-garantis, porterait immédiatement le coup de grâce à son modèle bancaire et entraînerait des fuites de capitaux massives, auxquelles l’Etat serait contraint de répondre par des contrôles aux frontières. Laisser Chypre se précipiter dans les bras de la Russie, à supposer que celle-ci le veuille, ce serait laisser Moscou en fixer les conditions gazières ou militaires, au détriment de l’Union européenne. Quant au plan B de Nicosie, il reste pour l'heure trop nébuleux pour convaincre.
La moins mauvaise solution serait pour la zone euro de prendre à sa charge l'équivalent d'un prélèvement de 5 pour cent sur tous les dépôts inferieurs à 100.000 euros, à condition que Chypre prenne en charge le reste et en fasse porter le cout sur les gros déposants. Pour les partenaires européens le cout serait insignifiant – 1 milliard, soit un dix-millième du PIB de la zone euro - et la concession suffisamment minime pour ne pas être lue comme un irrémédiable aveu de faiblesse. Si Chypre ne veut pas se résoudre à une telle solution il faudra bien arrêter la fourniture de liquidité aux banques, comme la BCE a menacé de le faire. Ce serait de facto l'expulser de la zone euro – précisément ce que les dirigeants européens n’ont cessé de vouloir éviter depuis trois ans, mais mieux vaut perdre Chypre que sa toute crédibilité, et l'Allemagne avec.
Quelle que soit la solution retenue, l’édifice européen sortira sérieusement affaibli de l’épreuve. On ne gère pas un espace monétaire comme on gère un marché : il ne suffit pas de fixer des règles, il faut aussi faire des choix, assumer les décisions prises, et les exécuter. Il est temps de s’en rendre compte.
Posted by Jean Pisani-Ferry on 03/03/2013 in Chroniques Le Monde | Permalink | Comments (0) | TrackBack (0)
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